mercredi 1 février 2023

Annexe 2. La physique - Les ondes gravitationnelles



LES ONDES GRAVITATIONNELLES

Tout ce que l’on connaît actuellement de l’univers nous vient des ondes électromagnétiques. Et cet univers observable n’est pas grand chose eu égard son contenu global.
Par ailleurs, notre connaissance s’arrête aussi dans le temps à 380 000 ans après le big-bang lorsque, à travers le fond diffus cosmologique, la lumière est enfin parvenue à se libérer du magma originel.
Enfin, la lumière qui nous parvient, déformée de ses rencontres avec la matière, ne nous apporte pas une signature claire et distincte de ce qui en fut la source.
Jusque là, nos observations s'en sont tenues à ce qui était visible, c'est-à-dire en rapport avec la lumière. Impossible de remonter jusqu'au Big-bang, même si, grâce à des télescopes comme James Webb installé début 2022 à un million et demi de kilomètres de la Terre, on peut espérer capter les rayonnements émis part les premières étoiles et les premières galaxies de l'univers, il y a plus de 13,4 milliards d'années, soit environ 400 millions d'années seulement après le Big-bang.

Les ondes gravitationnelles pourraient donc nous apporter un supplément non négligeable de connaissance. Spécialement du fait que, n'interférant pas avec la matière, elles gardent de leur source la signature précise. La détection de ces ondes et leur étude ouvrent un champ nouveau à l'observation de l'univers. Les détecteurs d'ondes gravitationnelles (Ligo, Virgo, etc.) nous rendent perceptible ce que nos yeux (entendons par là nos télescopes) ne peuvent voir faute de lumière.

Ces ondes, prédites par les équations de la relativité générale en 1918, sont des perturbations de l’espace temps qui se propagent à la vitesse de la lumière. Elles sont dues à l'"élasticité" de l'espace temps qui "ondule" lorsqu'une "catastrophe" (fusion, par exemple de deux étoiles à neutrons) se produit. Les ondes gravitationnelles sont donc des perturbations du champ gravitationnel qui interviennent quand une masse est accélérée ou change sa configuration.

Ces ondes ne sont ni stoppées ni déviées par la matière, puisqu’elles sont des perturbations de l’espace-temps lui-même. Elles peuvent donc nous renseigner sur ce qui les a produites (coalescence de deux trous noirs, par exemple, mais par exemple aussi sur l’état de l’univers avant 380 000 ans, en fait, sur toutes les zones sombres de l’univers. Toutefois, ce qui fait leur qualité (la faible interaction avec la matière qu’elle peuvent seulement allonger ou contracter) fait aussi leur défaut : elles sont difficiles à détecter et, une fois détectées, à mesurer..

Pour que soient produites de telles perturbations de l’espace, il faut ou des accélérations considérables ou des masses très élevées. Quelques objets astrophysiques seulement peuvent engendrer des perturbations telles qu’on peut espérer les détecter. Les trous noirs et les étoiles à neutrons.
Deux étoiles à neutrons, par exemple, qui gravitent l’une autour de l’autre (système binaire) se rapprochent du fait de la conversion de leur énergie en ondes gravitationnelles et leur vitesse s’accélère jusqu’à la fusion. Cette perte d’énergie par émission gravitationnelle est bien en effet une prédiction de la relativité générale. La première observation de la collision entre deux trous noirs, qui a eu lieu à une vitesse de l'ordre des deux tiers de celle de la lumière, a montré la formation d'un trou noir unique de masse inférieure à la somme des masses de ses géniteurs. Où est passée l'énergie équivalente à trois fois la masse solaire, correspondant à cette perte de masse ? Elle a été convertie en ondes gravitationnelles.



Plus récemment (17 août 2017) les deux interféromètres LIGO et Virgo ont pu détecter les ondes gravitationnelles émises lors de la fusion de deux étoiles à neutrons (en même temps qu'on observait un sursaut gamma, c'est-à-dire une émission de lumière à haute énergie qui fait défaut lors de la coalescence de deux trous noirs mais qui caractérise la fusion de deux étoiles à neutrons).

Tant qu’il s’agit de rayonnement électromagnétique en espace-temps plat, on sait définir précisément les quantités d’énergie, d’impulsion et de moment cinétique perdus sous la forme de ce rayonnement. Mais, en relativité générale, l’espace-temps est courbe et dynamique de sorte que décrire, par exemple, le décroissement de l’amplitude d’une onde gravitationnelle, pose un problème complexe dans la mesure où elle influe sur l’espace-temps dans lequel elle se propage (plus exactement : dont elle est une propagation).

S’ajoute à cela le fait qu’à de très grandes distances (plus de 800 millions d’années lumière) les effets cumulatifs de l’énergie noire (négligeables en deçà de cette distance) pourraient jouer un rôle. (En même temps, l’étude des ondes gravitationnelles pourraient, réciproquement, nous apporter des lumières sur cette énergie sombre).




Einstein ne pensait pas toutefois qu’on puisse détecter les ondes gravitationnelles, leur effet est très petit, sachant qu’un détecteur placé à 1 km de l’explosion d’une bombe H  de 1 mégatonne, devrait détecter un changement de longueur de 10-39 m !), mais à la fin des années 60, Joseph Weber construit le premier appareil destiné à détecter de telles ondes : la barre de Weber, sans succès.


Au milieu des  années 70 on construit des barres cryogéniques (refroidies pendant plusieurs mois voire plusieurs années) qui semblent, aujourd’hui, abandonnées. Un projet aux Pays Bas et au Brésil, sur la même technique cryogénique, mais avec des sphères est en cours de réalisation. Ce sont des détecteurs omnidirectionnels, à la différence des barres.

Actuellement, les espoirs reposent sur les interféromètres laser, comme Virgo (2007-2011), Ligo et, l’interféromètre spatial, eLisa à venir. Il s’agit d’interféromètres de Michelson géants.





 Interféromètre Vigo (Italie)

On cherche à mesurer sur un objet une différence de longueur due au passage d’une onde gravitationnelle. A l'évidence, faire la mesure au moyen d'un instrument ordinaire (un mètre, un double décimètre ou tout autre objet de cette nature) n'aurait aucun sens, puisque celui-ci verrait sa taille augmenter ou diminuer selon que l'espace s'étire ou se contracte et donnerait toujours la même mesure ! Seul instrument de mesure possible : un instruments à valeur absolue : la lumière. De plus, ce qu'on a à mesurer est  10 000 milliards de milliards plus petit qu'un cheveu !
Le bras de Virgo fait 3 km (celui de Ligo, aux Etats Unis, fait 4 km) de long (pour des raisons de coût, de courbure de la Terre, de rapport de la diffraction du rayon laser au diamètre du miroir), mais vaut 150 km du fait des 50 aller-retour de la lumière entre les miroirs à l’intérieur de ce bras, amplifiant l’effet du déplacement. La difficulté est de faire le tri entre signal et bruit. Il faut atténuer considérablement les vibrations du sol, les bruits de position, les bruits de fréquence et la fluctuation quantique de phase de la lumière. L’objectif : détecter des ondes entre 10 et 100 Hz.

Fonctionnement : le rayon laser est envoyé sur une lame séparatrice qui distribue la lumière dans deux bras perpendiculaires l’un à l’autre et de même longueur. Le rayon est réfléchi sur un miroir au bout de chaque bras et revient. Si au retour les rayons sont en phase, c’est que rien ne s’est passé. Si une onde gravitationnelle passe par l’interféromètre, au retour les rayons ne sont plus en phase (un bras a diminué, l’autre a grandi, puisqu'ils sont perpendiculaires). La mesure du décalage de phase donne l’amplitude de l’onde  gravitationnelle.


 Il faut attendre 2015 pour qu'on parvienne à détecter une onde gravitationnelle. La détection requiert qu’on puisse observer des systèmes binaires au moment de leur fusion.



 Ligo (Livingstone, Washington)

Projets :

1. Einstein Télescope est le projet européen (pour 2025) d’un détecteur souterrain de troisième génération. Il possède trois télescopes, six lasers, ce qui fait trois détecteurs indépendants. Les trois bras feront 10 km de long. Son caractère souterrain limitera les effets de bruit sismique et les miroirs cryogéniquement refroidis à 10k permettront la réduction directe de la vibration thermique.



 2. eLisa, prévu pour 2034, est le projet d’un interféromètre spatial qui comptera trois satellites, placés selon un triangle équilatéral, séparés par 1 million de kilomètres les uns des autres et échangeant entre eux des rayons laser. Un satellite d’essai, Lisa Pathfinder, lancé en décembre 2015,  permet d’effectuer les tests nécessaires à déterminer la faisabilité de la mission.


 
En mars 2014, Bicep-2, un télescope installé en Antarctique, dont la mission consiste en la mesure des traces d’ondes gravitationnelles primordiales, avait cru déceler, pour la première fois, des ondes gravitationnelles en provenance, effectivement, des premiers temps de notre univers. On remonterait ainsi à l’âge où l’univers n’avait que 10-35 s. C’est par l’examen de la polarisation de la lumière d’une région précise du fond diffus cosmologique, que Bicep-2 est arrivé à cette conclusion.
Le fond diffus présente deux modes de polarisation. La polarisation scalaire (dite Mode E) qui trace des mouvements de matière, sans intérêt pour la détection des perturbations de l’espace-temps, et la polarisation tensorielle (dite Mode B) qui correspond à des mouvements de l’espace lui-même. L’empreinte d’ondes gravitationnelles primordiales, la preuve de l’inflation (phase de dilatation exponentielle de l'espace) faisant suite au big-bang
La mission Planck a malheureusement confirmé que les signaux détectés était plus que probablement dus aux poussières galactiques.
 
Première détection 2015

Le 14 septembre 2015 à 11 heures 51 le passage d'une onde gravitationnelle a été détecté par Advenced Ligo aux Etats Unis.

A la différence des ondes qu’avait cru détecter Bicep-2 et qui devaient provenir de la grande inflation de l’univers primordial, les ondes détectées par Ligo proviennent , semble-t-il, de la coalescence de deux trous noirs qui a eu lieu il y a 1,3 milliard d'années.
Toutefois, une autre hypothèse concernant l'origine des ondes détectées pourrait être un gravastar. Le gravastar est (comme le trou noir, d'ailleurs), un objet hypothétique constitué de matière gonflée par un noyau d'énergie noire (en somme une "bulle" dont la surface est matérielle et le contenu, énergétique), qui ne comporte pas d'horizon, comme le trou noir, qui "n'avale" pas la lumière mais fait que celle-ci se met en orbite circulaire et ne peut plus échapper. C'est l'anneau de lumière. Le gravastar, aussi compact que le trou noir, doit vibrer de la même façon et générer des ondes gravitationnelles. Trou noir ou gravastar, il n'en reste pas moins que des ondes gravitationnelles ont bien été détectées.

Donc, pas de preuve encore de la grande inflation, pas de connaissance directe sur ce qui est recelé derrière le fond diffus cosmologique, mais malgré tout, une formidable avancée puisque c’est à la fois une confirmation supplémentaire de la relativité générale (l’espace-temps ondule, les ondes gravitationnelles se déplacent à la vitesse de la lumière, ce qu'a montré GW170817, la fusion de deux étoiles à neutrons observée le 17 août 2017 puisque l'onde et le sursaut gamma ont été détectés en même temps) et surtout le moyen d’observer l’univers au-delà du visible.
Ces ondes gravitationnelles vont apporter à la science des renseignements inestimables sur ce qui les a provoquées et qu’il est impossible de voir. Comme, à la différence des ondes électromagnétiques, les ondes gravitationnelles ne sont pas absorbées par la matière, elles conservent toute l'information sur le phénomène qui est à leur origine. L'observation de l'univers entre dans une nouvelle dimension. C'est comme si un aveugle recouvrait subitement la vue. On imagine le nouveau monde qu'il aurait à explorer. C'est l'astrophysique gravitationnelle qui vient de naître. Et avec elle l'espoir de remonter à t = 10^-22s après le Big bang au lieu de rester bloquer à 400 000 ans après, moment où apparaît la lumière.

 Le 26 décembre 2015, Ligo détecte à nouveau le passage d'une onde gravitationnelle attribuée cette fois encore à la fusion de deux trous noirs (moins massifs que ceux responsables de la détection de septembre), à 1,4 milliard d'années lumière.
Nouvelle détection par Ligo le 4 janvier 2017 d'ondes gravitationnelles produites il y a 3 milliards d'années par la fusion de deux trous noirs de 31 et 19 masses solaires, respectivement.
Et encore, le 17 août 2017, conjointement avec l'observation d'un sursaut gamma, les ondes provoquées par la fusion de deux étoiles à neutrons.
Fin 2018 on a maintenant un catalogue comportant 10 fusions de trous noirs (dont l'une qui s'est produite à environ 5 années lumières) et une collision d'étoiles à neutrons. De nouvelles campagnes de détection sont prévues pour 2019.


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